Isabelle Le Bot est une dirigeante expérimentée du secteur de l’assurance. Elle occupe actuellement le poste de directrice générale de La France Mutualiste, directrice de l’épargne du groupe Malakoff Humanis et présidente du conseil de surveillance de Unofi. Reconnue pour sa capacité à conduire des transformations profondes et à instaurer une culture de responsabilité au sein des équipes, elle allie une réflexion stratégique à une compréhension fine de l’évolution des comportements des clients, notamment dans le domaine de l’expérience utilisateur (UX). Experte des aspects opérationnels de l’assurance, de la numérisation et du marketing, elle contribue activement à l’élaboration de modèles économiques modernes, conciliant performance, innovation et responsabilité sociale et environnementale.

La France Mutualiste est la mutuelle d’épargne individuelle du Groupe Malakoff Humanis. Forte d’une expérience acquise depuis plus de 130 ans, elle a l’ambition de permettre à tous les Français de se constituer une épargne solide et de construire leur retraite. En 2024, la mutuelle a enregistré des résultats remarquables, avec un chiffre d’affaires de 665,6 millions d’euros et un ratio de solvabilité supérieur à 250 %, témoignant de sa solidité et de la confiance de ses 226 599 membres. Fidèle à ses valeurs de solidarité, de transparence et de proximité, La France Mutualiste s’engage à travers une politique d’investissement responsable ambitieuse, alliant performance financière et impact positif sur la société et l’environnement.
La numérisation constitue aujourd’hui une force majeure de transformation du secteur de l’assurance. Elle permet d’offrir des expériences omnicanales fluides et un accès en temps réel aux solutions d’épargne, tout en renforçant la proximité avec les clients. Cependant, cette évolution technologique s’accompagne de nouveaux défis, notamment la nécessité de prévenir les biais algorithmiques susceptibles d’intensifier certaines formes de discrimination. Dans un contexte marqué par l’essor de l’intelligence artificielle et le transfert massif de richesse entre générations, il devient essentiel de conjuguer innovation, éthique et inclusion. Les initiatives en matière d’investissement responsable et d’éducation financière joueront un rôle clé pour garantir une transformation numérique équitable et durable.
Marcin Pluta : Les 25 dernières années : Quels ont été les développements technologiques les plus importants pour le secteur de l'assurance au cours des 25 dernières années et quelle importance ont-ils eu pour les activités de la France Mutualiste ?
Isabelle Le Bot : Depuis le début des années 2000, la digitalisation a profondément transformé le secteur de l’assurance et notamment en ce qui concerne l’épargne. Les plateformes en ligne et la signature électronique ont simplifié la souscription et la gestion des contrats, rendant l’investissement plus accessible. C’est une excellente nouvelle pour l’épargnant qui devient plus autonome et surtout plus au fait des stratégies d’investissement. Il peut désormais suivre les performances de ses contrats et arbitrer ses placements en temps réel. Cette révolution numérique a fait émerger de nouveaux acteurs 100 % digitaux et incité les assureurs traditionnels à repenser leur relation client vers plus de transparence et d’agilité. Les outils digitaux, couplés à l’analyse de données, permettent aussi d’avoir des conseils personnalisés et une meilleure compréhension des profils investisseurs.
Dans ce contexte, à La France Mutualiste, nous avons développé un parcours omnicanal pour offrir une expérience personnalisée et fluide à tous nos prospects, quel que soit le canal de communication utilisé. Les prospects peuvent passer en souplesse et sans perte d’information d’un canal à l’autre : full digital, rendez-vous physiques et téléphoniques. Nous nous inscrivons dans une volonté de moderniser et renforcer notre démarche commerciale. En complément de l’offre 100% digitale, des conseillers restent disponibles pour accompagner tous les adhérents et prospects par téléphone en cas de difficultés avec les outils digitaux, et ce, sans exigence d’investissement préalable. Le modèle est purement égalitaire et unique sur le marché.
Marcin Pluta : Les défis actuels : Le monde est actuellement confronté à de nombreux défis géopolitiques, économiques et environnementaux. Quels sont ceux que vous considérez comme les plus importants de votre point de vue ? Comment les abordez-vous ?
Isabelle Le Bot : Vous avez raison le monde est actuellement confronté à des défis majeurs qu’ils soient géopolitiques, économiques et environnementaux. En tant qu’acteur engagé La France Mutualiste, groupe Malakoff Humanis, se doit de contribuer à l’effort national sur ces différentes thématiques et ainsi apporter des solutions pour la sécurité des générations futures.
La transition démographique et le transfert massif de richesse à venir vont redessiner les équilibres économiques et sociaux. Le vieillissement de la population et la transmission du patrimoine exigent d’adapter nos offres d’épargne afin d’accompagner durablement nos adhérents dans la préparation et la sécurisation de leur avenir financier.
Cela fera 10 ans en décembre que les Accords de Paris [1] ont été ratifiés et la transition écologique reste un enjeu majeur pour lequel les acteurs financiers ont un rôle essentiel à jouer. La transition écologique impose de réorienter les capitaux vers des investissements responsables. Dans ce cadre, La France Mutualiste a pris des engagements forts en fléchant une part croissante de nos portefeuilles vers des fonds à impact, favorisant la décarbonation de l’économie et la préservation de la biodiversité.
Enfin, la souveraineté nationale constitue un défi central dans le contexte géopolitique que nous connaissons et ce pour garantir la paix pour les générations futures. La France Mutualiste attache une importante particulière à cette question du fait de sa proximité historique avec le monde des anciens combattants. Nous contribuons à cet objectif en soutenant des projets stratégiques comme notre investissement dans le fonds Sienna Héphaïstos en soutien aux PME et ETI de la défense européenne.
Marcin Pluta : Les 25 prochaines années : Quels sont les changements qui auront le plus d'impact sur le secteur de l'assurance à l'avenir ? À quoi vous attendez-vous pour les activités de la France Mutualiste ? Quel rôle joueront les évolutions technologiques telles que l'IA, l'IdO, les ordinateurs quantiques, etc.
Isabelle Le Bot : Je vois deux dynamiques majeurs qui vont redéfinir le secteur de l’assurance et spécifiquement de l’épargne dans les 25 prochaines années.
D’abord, l’accélération technologique avec l’intelligence artificielle devrait bouleverser les modèles traditionnels. Ces avancées s’accompagnent toutefois de risques éthiques, notamment liés aux biais algorithmiques, qui pourraient engendrer des discriminations dans la sélection ou la tarification. Le défi sera d’assurer une IA responsable et transparente car si elle est correctement maîtrisée, elle peut apporter une réelle valeur ajoutée pour nos adhérents et ce, notamment dans la gestion avec une relation clients plus fluide grâce à des conseillers augmentés.
Un mot également sur le transfert de richesse massif à venir. D'ici 2040, 9 000 milliards d'euros de patrimoine seront transmis en France, conséquence du vieillissement / décès des baby-boomers. L'éducation financière m’apparaît alors comme un enjeu primordial pour ceux qui bénéficieront de cette manne afin de prendre les bonnes décisions financières. Les Français ont encore trop de lacunes en la matière et c’est notre rôle en tant qu’acteur mutualiste de faire preuve de pédagogie financière. L’objectif est de faire croître l’épargne des Français tout en la dirigeant vers des placements durables.
Marcin Pluta : Dans votre étude « Comportement des Français vis-à-vis de l’épargne » par La France Mutualiste, vous soulignez que les jeunes, les femmes, et les classes socioprofessionnelles moins favorisées rencontrent encore des obstacles forts pour accéder à certains produits d’épargne (assurance-vie, retraite, etc.). Dans ce contexte, quelles mesures concrètes envisagez-vous de mettre en place pour que l’assurance soit plus accessible à tous ? Percevez-vous l’utilisation des outils digitaux ou algorithmiques comme un axe de réduction des biais (âge, genre, patrimoine, localisation) ou plutôt comme un frein à l’inclusion ?
Isabelle Le Bot : En effet, le fossé entre les hommes et les femmes en matière d’épargne et d’investissement demeure préoccupant comme en témoigne notre étude menée avec BPI France Le Lab à l’occasion des 60 ans de l’indépendance financière des femmes. Les femmes, souvent moins rémunérées, investissent moins et se voient trop souvent perçues comme consommatrices plutôt qu’investisseuses. Les jeunes, eux, subissent une double peine : perte de pouvoir d’achat et difficulté d’accès à l’immobilier…
C’est dans ce cadre que j’ai lancé un appel pour l’inclusion financière afin rendre l’épargne, l’investissement accessibles à tous. Cela passera par une éducation financière renforcée dès le plus jeune âge, une meilleure transparence des données et un partage des écarts observés par les acteurs du marché. C’est la démarche que nous avons enclenchée avec l’étude que vous évoquez « Comportement des Français vis-à-vis de l’épargne », réalisée avec Aurélie Jean, Docteure en sciences, entrepreneure, et autrice, spécialisée en modélisation algorithmique. Il est temps de faire de l’inclusion financière une grande cause nationale, afin que chaque Français, quel que soit son âge ou son genre, dispose des mêmes chances d’épargner et d’investir.
En ce qui concerne l’usage de l’IA, je crois qu’il faut avoir conscience que les nouvelles technologies algorithmiques contribuent parfois à catalyser certaines discriminations. Il y a un devoir de vigilance supplémentaire, afin de s’assurer qu’elles ne desservent pas notre combat pour l’inclusion financière.
Marcin Pluta : Avec le rapprochement de La France Mutualiste et de Malakoff Humanis, quelles synergies concrètes envisagez-vous pour les clients — en termes de produits (épargne, retraite), de tarifs, de services — Percevez-vous la technologie comme un levier de facilitation de ces synergies ?
Isabelle Le Bot : Effectivement les synergies concrètes sont nombreuses. Un exemple : au lancement de notre plateforme omnicanale, évoquée un peu plus tôt dans l’interview, nous visions spécifiquement les clients de Malakoff Humanis. Cette interface est véritablement un facilitateur de synergies et permet aux prospects de suivre un parcours de souscription à la fois personnalisé et fluide. Sur le marché, notre plateforme omnicanale est encore maintenant très innovante : un outil clé en main pour faciliter les synergies avec nos différents partenaires.
Le rapprochement avec le groupe nous permet de travailler différentes stratégies pour générer du lead en capitalisant sur l'ensemble de nos canaux de distribution. Avec le bon modèle de rémunération, il est possible de créer des passerelles pour faciliter le multi-équipement.
[1] L'Accord de Paris est un traité mondial adopté en 2015 qui vise à limiter le changement climatique en réduisant les émissions de gaz à effet de serre et en maintenant le réchauffement climatique bien en dessous de 2 °C, idéalement en dessous de 1,5 °C.