“Mon ambition est de poser les bases
d’une intégration fluide de l’IA et de l’IoT.”
“Mon ambition est de poser les bases
d’une intégration fluide de l’IA et de l’IoT.”
Jean-Daniel Laffely a été nommé CEO du Groupe Vaudoise Assurances en mai 2020, après plus de dix ans passés à des postes de direction au sein de l’entreprise. Il a rejoint la Vaudoise en 2006 comme Chief Risk Officer, avant d’occuper la fonction de Chief Financial Officer de 2009 à 2020, puis de prendre la direction générale.
Sous sa conduite, la Vaudoise a lancé une transformation digitale de grande ampleur, axée sur l’automatisation, la personnalisation du service client et l’intelligence artificielle. En parallèle, son prédécesseur et lui-même ont renforcé le modèle coopératif de solidarité et de proximité de l’entreprise, avec plus de 400 millions de francs suisses redistribués aux assurés depuis 2012. Son ambition est claire : « Devenir l’assureur préféré de Suisse. »
Basée à Lausanne, la Vaudoise Assurances fait partie du top 10 des assureurs privés en Suisse. Fondée en 1895, elle opère à travers plus d’une centaine d'agences dans tout le pays. En tant que coopérative majoritairement détenue par la Mutuelle Vaudoise, le Groupe réinvestit une partie de ses bénéfices sous forme de rabais de primes pour ses assurés. Avec plus de 2’100 collaboratrices et collaborateurs, il propose un large éventail de prestations en assurance, prévoyance et hypothèques, portées par quatre valeurs ; proches, fiables, humain et proactifs.
La Vaudoise obtient régulièrement d’excellentes notes en satisfaction client et détient le label Swiss Customer Service Excellence pour la performance de son Contact Center. L’entreprise démontre également son engagement en matière de durabilité en adhérant à la BBFAW Global Investor Collaboration on Farm Animal Welfare [1], soutenant ainsi des pratiques d’investissement responsables.
Le secteur de l’assurance est profondément bouleversé par le changement climatique, les évolutions géopolitiques et la montée des attentes des clients. Dans cet entretien, la stratégie de la Vaudoise Assurances est présentée, mettant en lumière l’équilibre entre innovation et valeurs fondatrices.
Transparence, solidarité et durabilité en ressortent comme des piliers essentiels pour assurer résilience et pertinence à long terme.
Michał Trochimczuk : Les 25 dernières années : quels ont été les développements technologiques les plus importants pour le secteur de l’assurance au cours des 25 dernières années, et quelle a été leur importance pour les activités de la Vaudoise ?
Jean-Daniel Laffely : Au cours des 25 dernières années, la Vaudoise a progressivement intégré les avancées technologiques pour développer ses activités et améliorer l’expérience client. La digitalisation et l’automatisation nous ont permis de réduire les coûts et d’optimiser l’efficacité de nos processus. Un exemple est la dématérialisation des documents, que nous pratiquons depuis plus de dix ans. Par ailleurs, les services en ligne et les offres digitales nous permettent d’être accessibles et de proposer des solutions à tout moment. Toutefois, la pénétration directe de ce marché reste marginale en Suisse à ce jour, les clients privilégiant le modèle ROPO (Research Online, Purchase Offline).
En tant qu’assureur, il faut aussi relever les avancées technologiques dans les véhicules et leur électrification, qui tendent à réduire le risque de responsabilité civile mais augmentent le coût des assurances casco en raison des technologies embarquées. L’avenir s’annonce à la fois passionnant et exigeant. L’avènement de l’intelligence artificielle (IA), en particulier de l’IA générative, constitue une avancée majeure, avec des applications concrètes en gestion de sinistres et en tarification. Il ne fait aucun doute que cela deviendra encore plus prépondérant à l’avenir. Toutes ces innovations nous permettent de rester compétitifs et de répondre aux attentes croissantes de nos clients en matière de rapidité, de personnalisation et de sécurité.
Michał Trochimczuk : Les défis actuels : le monde est aujourd’hui confronté à de nombreux défis géopolitiques, économiques et environnementaux. Quels sont, selon vous, les plus importants du point de vue de la Vaudoise, et comment les abordez-vous ?
Jean-Daniel Laffely: La Vaudoise est confrontée à plusieurs défis majeurs dans le contexte actuel. Les tensions géopolitiques et les incertitudes économiques influencent les marchés financiers et le comportement des consommateurs, exigeant une vigilance accrue et une adaptation continue de nos stratégies en matière de gestion d’actifs et de sélection des risques.
Les enjeux environnementaux, tels que le changement climatique, constituent un autre défi clé, la fréquence et la gravité des sinistres augmentant chaque année. La prévention et la préparation sont des éléments essentiels pour en limiter l’impact, tant pour les assurés que pour les assureurs. Nous répondons à ces défis en renforçant notre résilience, en diversifiant nos investissements, nos risques et en intégrant des critères de durabilité dans nos processus décisionnels. Notre engagement envers l’innovation et la responsabilité sociale nous permet de répondre efficacement aux attentes des clients tout en contribuant positivement à la société.
Il convient également de souligner les droits de douane américains imposés par l’administration Trump – fixés à 39 % (!) pour la Suisse. Cela affectera nos PME exportatrices vers les États-Unis ainsi que la croissance de notre PIB national. La réactivité politique et la créativité de nos entreprises seront déterminantes pour que notre pays ne soit pas pénalisé plus sévèrement que ses voisins.
Michał Trochimczuk : Les 25 prochaines années : quels changements auront le plus grand impact sur le secteur de l’assurance dans le futur ? Qu’envisagez-vous pour les activités de la Vaudoise ? Quel rôle joueront les avancées technologiques telles que l’IA, l’IoT et l’informatique quantique ?
Jean-Daniel Laffely : Le secteur de l’assurance sera indéniablement transformé par ces avancées technologiques majeures. Dans un premier temps, ces transformations doivent s’appuyer sur des fondations technologiques robustes et des données/métadonnées bien structurées. Si ces prérequis sont réunis, l’IA pourra déployer tout son potentiel dans de multiples domaines de l’assurance – moteurs de tarification, offres produits, simplification de la relation client et gestion des sinistres. Elle s’appuiera aussi sur l’Internet des Objets (IoT), permettant la collecte de données en temps réel pour une gestion proactive des risques. L’informatique quantique, bien qu’encore en développement, promet une puissance de calcul sans précédent, ouvrant la voie à des modèles prédictifs et tarifaires plus précis – même si cela reste aujourd’hui très abstrait.
De plus, les véhicules autonomes de niveau 4 pourraient profondément remodeler le rôle des assureurs. Nous en discutons depuis plus d’une décennie. Comme le suggère la loi d’Amara [2], l’impact a été surestimé à court terme mais sera probablement sous-estimé à long terme. Nous pensons que ces technologies offriront des opportunités uniques pour améliorer l’efficacité opérationnelle, renforcer la satisfaction client et développer des solutions d’assurance innovantes. Nous devons rester à la pointe de ces avancées pour répondre aux besoins évolutifs de nos clients et maintenir notre position de leader. Dans le même temps, nous devons élargir et diversifier nos sources de revenus pour éviter une surexposition aux disruptions potentielles du marché dans des segments clés comme l’assurance automobile.
Michał Trochimczuk : La Vaudoise est l’un des rares assureurs mutualistes suisses à avoir renforcé sa position sur le marché tout en restant fidèle à ses valeurs fondatrices. Comment ce modèle a-t-il influencé votre vision de la digitalisation ? Et comment le mutualisme peut-il évoluer pour rester pertinent aux yeux des jeunes générations, particulièrement sensibles à l’impact et à la transparence dans un monde ultra-connecté ?
Jean-Daniel Laffely : Le modèle coopératif de la Vaudoise, fondé sur des valeurs de solidarité et de proximité, a effectivement renforcé notre position sur le marché suisse. Un élément clé est d’associer nos clients à notre succès – depuis 2012, nous avons redistribué plus de 400 millions de francs suisses à nos assurés. Si ce modèle peut sembler dépassé dans certains secteurs, il est au contraire très moderne dans l’assurance.
La technologie n’est pas une fin en soi ; elle doit répondre aux besoins des consommateurs. Ce principe guide le programme de transformation à grande échelle que nous avons engagé ces dernières années. La technologie est essentielle pour soutenir notre croissance. La digitalisation améliore l’accessibilité et la transparence de nos services, tout en nous permettant de personnaliser nos offres et de répondre plus rapidement aux besoins des clients – et en restant fidèles à nos valeurs.
Pour rester pertinent auprès des jeunes générations, nous intégrons des critères de durabilité et d’impact social dans nos décisions et communiquons de manière transparente sur nos actions. Ce modèle coopératif évolue ainsi pour conjuguer tradition et innovation, répondant aux attentes d’un monde ultra-connecté.
Michał Trochimczuk :Si un article rétrospectif était publié en 2035 dans la presse spécialisée retraçant votre mandat de CEO, qu’aimeriez-vous qu’il mette en avant ? Quel héritage souhaiteriez-vous laisser à la Vaudoise ?
Jean-Daniel Laffely : Tout d’abord, j’aimerais préciser que c’est un travail collectif des collaboratrices et collaborateurs qui créent la valeur d’une entreprise et non d’un seul homme ou d’un comité exécutif. J’aimerais qu’il mette en avant la grande transformation que la Vaudoise a vécu pour devenir “digital ready”. Mon ambition est de poser les bases d’une intégration fluide de l’IA et de l’IoT, avec une attention constante à l’amélioration de l’expérience et de la satisfaction client. J’aimerais que mon mandat soit reconnu pour une dynamique de modernisation cohérente, alignée sur notre vision : « Devenir l’assureur préféré de Suisse. »
Mon héritage serait d’avoir su combiner innovation technologique, excellence opérationnelle et proximité humaine – trois piliers essentiels pour assurer la pérennité et la pertinence de la Vaudoise dans un monde en constante évolution.
J’aimerais également que notre engagement en matière de durabilité soit reconnu – à travers des investissements responsables et des initiatives visant à réduire notre empreinte carbone. De même, je souhaite que notre modèle coopératif continue de résonner auprès des jeunes générations.
Enfin, je voudrais que mon mandat soit perçu comme ayant créé de la valeur à long terme pour le Groupe, tant dans le cœur de métier de l’assurance que dans le développement d’activités complémentaires étroitement liées à notre mission fondatrice : l’assurance.
- - - - - - -
[1] Une mesure mondiale de premier plan de l'engagement politique, des performances et de la divulgation d'informations sur le bien-être animal dans les entreprises agroalimentaires.
[2] La loi d’Amara stipule que « nous avons tendance à surestimer l’effet d’une technologie à court terme et à le sous-estimer à long terme », mettant en évidence l’erreur fréquente dans la prévision des impacts technologiques.
La loi d’Amara a été formulée par Roy Amara, un scientifique et futurologue américain, qui a identifié un schéma récurrent dans la manière dont les gens perçoivent les nouvelles technologies (source : https://thevirtulab.com/what-is-amaras-law/